L’ENVRIONNEMENT SONORE URBAIN : Quelles considérations et spécificités de l’ambiance sonore urbaine ?

 Thèses, mémoires, articles / Posted 8 mois ago by Gilles Malatray / 190 views / Populaire

INTRODUCTION :

Parmi les externalités négatives notables de la ville (pollution, etc.), le bruit urbain fait peut-être moins partie des préoccupations des décideurs. Les îlots de chaleur urbains, la qualité de l’air, la résilience, l’accessibilité… voici de nombreux sujets mis au-devant par la communauté scientifique et politique dans nos mondes urbains toujours plus denses, toujours plus sensibles aux questions de bien-être et de santé environnementale. En témoigne le nombre pléthorique de publications sur les thématiques citées ci-dessus. En matière de publication scientifique, le son jouit d’une exposition beaucoup moins importante. Pourtant l’environnement sonore urbain fait partie intégrante de nos agglomérations. Il représente une partie de l’identité urbaine, valorise les territoires ou les déprécie fortement.

L’environnement sonore est l’ensemble des sons qui façonnent un paysage sonore agréable, désagréable ou neutre. Il est marqué par une opposition terminologique entre le son et le bruit. Cependant, quand on pense à l’environnement sonore, la nuisance sonore due au bruit semble être celle qui prédomine. Le bruit est depuis toujours un élément omniprésent dans nos milieux urbains, il est décrit comme une nuisance, en opposition au calme qui fait référence à un sentiment auditif agréable, apaisant. Le bruit peut être défini comme « toute sensation auditive désagréable ou gênante, tout phénomène acoustique produisant cette sensation, tout son ayant un caractère aléatoire qui n’a pas de composantes définies » d’après l’Association Française de Normalisation (AFNOR). Pourtant, bruit et calme font finalement partis d’un même phénomène : le son en tant que phénomène physique neutre. Il est donc important de dissocier la notion de son, qui se rapporte à une définition strictement physique, soit une « modification de la pression atmosphérique » pouvant être agréable, au bruit. Cette opposition terminologique démontre bien la complexité de l’étude des ambiances sonores, tant ce domaine est soumis à un aspect subjectif rendant sa perception unique pour un individu ou un groupe d’individus. En effet, le domaine sonore est un phénomène physique rendu d’autant plus complexe à l’étude qu’une multitude de paramètres subjectifs (sensoriels et sociaux) entraînent une forte variabilité de la perception des ambiances sonores.

Aujourd’hui, l’environnement sonore apparait comme un réel enjeu en matière de santé environnementale, c’est-à-dire les facteurs « externes au corps », qui incluent le tabagisme actif, les virus, une mauvaise nutrition, les traitements médicaux, les substances chimiques de 14 L’ENVIRONNEMENT SONORE URBAIN l’environnement, etc., par opposition aux facteurs « internes au corps » (Moal, Eilstein, Salines 2010). Les conséquences du bruit sur la santé sont importantes, « L’OMS estime que les pays de l’Europe de l’ouest perdent 61 000 ans de vie en bonne santé à cause des maladies cardiaques 903 000 ans à cause des troubles du sommeil et 587 000 ans à cause des nuisances sonores » (ADEME, 2011). C’est également la santé de la faune qui est à mettre en perspective tant le bruit peut venir modifier les comportements de la flore. Outre un impact notoire sur la santé, le bruit en milieu urbain est également un enjeu fort de cadre de vie. Un sondage de l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) de 2014 rappelle que « 86% des Français se déclarent gênés par le bruit » (CERAMA 2016). Cependant, l’environnement sonore peut être également une source de valorisation d’un espace public. En effet, certaines sources sonores jouissent d’une forte acceptation, déterminant même un cadre agréable à certains volumes comme la musique, le vent, le chant des oiseaux par exemple.

Le bruit est également un enjeu économique important car celui-ci engendre un surcoût pour la société de plusieurs dizaines de milliard d’euros par an, on appelle cela le coût social. Face aux impacts importants que provoque le bruit, les autorités publiques sont aujourd’hui conscientes des enjeux du bruit en ville, et accordent une attention toute particulière à la notion de cadre de vie. En matière de bruit et de son, c’est même une directive européenne, la 2002/49/CE qui vient fixer les règles du jeu. La législation nationale n’est également pas en reste avec pas moins de six cent cinquante pages faisant référence au bruit dans le Journal Officiel (JO) de la République françaises ( Jaworski, 2014). Outre la législation c’est également l’ensemble du secteur de l’aménagement qui prend aujourd’hui conscience de l’enjeu du bruit en milieu urbain. Les aménageurs tentent une approche de la fabrique de la ville soucieuse de proposer des ambiances sonores urbaines favorables au bien-être des populations en proposant de réelles initiatives innovantes ou simplement en respectant les normes en matière d’acoustique.

Pourtant, même face à cette prise en considération et à la montée en puissance de l’étude du bruit urbain, nous devons nous questionner sur la prise en compte de ces notions par les pouvoirs publics. Les réponses législatives sont-elles à la hauteur des enjeux qualifiés, permettent-elles d’apporter un cadre prenant en compte l’aspect perceptif et subjectif des sons ? D’une manière générale, quelle place donne-t-on au son de la ville ? Connaissons-nous vraiment l’environnement sonore qui nous entoure ? Comment la morphologie de l’espace public et la planification territoriale peuvent-ils garantir un environnement soutenable pour INTRODUCTION 15
l’ensemble de la population ? Quelles attentes et perceptions de l’environnement sonore en milieu urbain ?
Le sujet nous invite donc à nous interroger sur les caractéristiques de l’environnement sonore en milieu urbain, en étudier les conséquences et les réponses en matière de législation et d’aménagement urbain et en comprendre les mécanismes sociaux qui en font un phénomène
complexe. En d’autres termes, nous nous demanderons quelle place occupe l’ambiance sonore urbaine tant au niveau social, juridique et environnemental et quelles réponses peut apporter l’aménagement pour un cadre sonore favorable à un cadre de vie agréable.

Le cadre d’étude s’articule autour de l’exemple français, et notamment bordelais