Lighthub Kaliningrad 2 (by Alexander Matveev)
Lighthub Murmansk (by Eduard Mikryukov)

Nous retrouvons mardi 30 mai 2023 – 22H – Place de la République (Paris 3e/10e/11e) l’artiste russe Boris Shershenkov pour une balade sonore nocturne à l’écoute de la lumière artificielle. Cet évènement est une occasion de partage, expérimentation et activation de son projet “Lighthub” s’inscrivant dans un plus large travail intitulé “Field Processing” consacré à l’augmentation de la sensorialité humaine via l’écoute et à l’aide de capteurs stéréo DIY de sa création.

La balade s’effectuera en trois temps :

  • Une courte introduction à l’oral en groupe
  • L’expérience ensemble de quelques points d’écoute afin de découvrir pas à pas quelques aspects des capteurs et de l’expérience
  • Une exploration libre et enregistrée par petits groupes de deux ou trois personnes, répartis par zones, selon une partition géographique. 

La rencontre commence avec la distribution de matériel, dont une partie provient du stock de l’association : un enregistreur zoom H2N pour 2 ou 3 personnes qui servira notamment d’interface audio et d’amplificateur ; un répartiteur jack stéréo 2 sorties ou plus ; des casques audio ainsi qu’une paire de capteurs DIY fournis par Boris. Après quelques explications rapides nous procédons à quelques réglages : mise en marche du “plug-in power” (alimentation phantom) ; réglage du gain à 3 ; volume des casques à 100. 

Matériel audio pour "Lighthub"

Dans une courte introduction, Boris nous explique le principe général : Les capteurs photosensibles réagissent aux variations d’intensité lumineuse en créant une tension alternative analogue aux signaux audio produits par des micros dans les câbles. En général – et cela dû aux effets de persistance rétinienne, entre autres – nos yeux ne nous permettent par de saisir des variations d’intensité lumineuse plus rapides que 50-60Hz. Ce faisant, les lumières artificielles de la ville apparaissent comme des sources continues et constantes alors qu’elles oscillent à des fréquences plus élevés. Grâce aux capteurs et à l’interface audio, nous permettons à nos oreilles (qui sont théoriquement sensibles à des stimuli aux oscillations entre 20Hz et 20 000 Hz) d’accéder à ces variations et donc à notre corps de s’y rendre sensible.

Ce projet s’inscrit dans un vaste chantier d’exploration des territoires de la sensorialité auxquels les technologies récentes peuvent nous permettre d’accéder ; situant et réinterrogeant ainsi la forme prétendue du monde. 

Dans une première partie Boris guide notre groupe au long de quatre points d’écoute choisis et nous fait découvrir pas à pas des gestes et spécificités du dispositif. 

  • Un premier point correspondant à un lampadaire de la place nous permet d’avoir une première expérience des textures, ainsi que de la directivité des capteurs et de l’effet stéréophonique. Les participant-e-s sont enjoué-e-s.
  • Un second arrêt se fera autour d’un autre lampadaire, probablement LED et multicolore avec des variations et scintillements qui créés des changements de forme dans les sons perçus. À nouveau, tout le monde reste longtemps à expérimenter et apprécier. 

  • Un troisième point d’écoute se fera à l’arrêt de bus. Les multiples panneaux et sources lumineuses proposent une grande variété de timbres et tonalités, qui invitent à engager le corps, en jouant des bras et des mains pour composer. Une première interaction avec des passant-e-s a lieu. Nous faisons écouter et partageons de manière impromptue nos expériences à deux dames intriguées, attendant le bus. 

  • Un quatrième et dernier point nous attend devant un grand porche. Boris attire notre attention sur la tonalité grave à 50Hz environ, qui est directement liée à la fréquence d’oscillation choisie pour le réseau général de courant alternatif dans nos villes, et qui alimente directement un grand nombre d’ampoules ; ceci créant une toile de fond que nous retrouverons tout au long de nos pérégrinations. 

Afin d’aborder la seconde partie, nous nous rassemblons devant la statue et formons 8 groupes (duo ou trio d’écoute) qui partiront à l’exploration du quartier en suivant les 8 tracés proposés sur la carte/partition ci-dessus. Nous enregistrerons nos parcours et ces derniers seront assemblés par Boris dans une composition électroacoustique spatialisées et/ou multicanal. 

Nous synchronisons nos enregistrements en démarrant touxtes au “top” de Boris ; et entamons l’aventure. 

Elsy : Notre duo a emprunté le parcours C6. Quittant la place et traversant la rue – capteurs braqués sur les phares de voitures – nous avons été très surprises de découvrir la similarité des sons émis par ces sources lumineuses, avec la sonorité des kalxons automobiles. Nous avons relevé que les différents véhicules ne produisent pas tous le même son. Lorsqu’ils sont regroupés au feu, on croirait entendre chanter une synphonie s’apparentant à l’orchestration lyrique d’un embouteillage. Les panneaux publicitaires ont eu pour nous, cette même correspondance entre l’image que l’on se fait de l’objet, et sa transcription musicale : le son des panneau est aigü, froid et très fort, semblable à un larsen. Nous avons apprécié tester les limites géographiques des capteurs et créer avec, des effets d’apparition et de disparition – plus ou moins progressifs – en fonction de la rapidité du mouvement que nous effectuions. Les distributeurs automatiques de billets, on particulièrement retenue notre attention. Le clignotement régulier du voyant vert indiquant où insérer sa carte bancaire, créait un “bit” techno, auquel nous avons joué à superposer d’autres sons. Mais c’est sans doute l’expérimentation d’une bougie artificielle, posée sur la table d’une terrasse de café,  qui nous a le plus émerveillée. La singularité de la luminière imitant le crépitement d’une flamme, créait une sonorité complexe et atypique, que nous n’avions entendu nul part ailleurs.

Arthur : Dans mon petit groupe de trois personnes je remarque un vrai plaisir à explorer et découvrir patiemment l’environnement. Nous sommes surpris à chaque pas : le clignotement d’une lampe de vélo ; les phares des multiples voitures qui passent devant nous ; le scintillement d’une guirlande ; le bruit blanc d’un panneau ; la mélodie riche et complexe d’une enseigne de restaurant… Le calme d’une rue faiblement éclairée nous offre un moment léger, ou chaque évènement se détache et se laisse apprécier. Nous aménageons des pauses, laissons nos regards curieux se tourner vers des objets habituellement ignorés, en profitons pour flâner, jouons avec nos mains pour créer des rythmes et des oscillations entre gauche et droite.  

De retour au point de rdv, nous rassemblons le matériel et laissons place aux échanges informels. Boris nous remercie et nous procédons à un rapide discours de clôture invitant les participant-e-s à suive les activités de l’association voir à y participer ; ainsi qu’un chapeau pour soutenir l’artiste qui nous a offert ce soir l’expérience. 

Fin de chantier pour certain-e-s ; petit verre pour d’autres en attendant le prochain RDV…. 🙂

>> Ci-dessus un extrait de la création binaural réalisée par Boris Shershenkov à partir des enregistrements continus de chaque groupe de participant-e-s. Celle-ci propose l’écoute simultanée des parcours de chaque groupe selon la partition géographique précédente. Les traces audio sont spatialisées dans l’espace audio virtuel dans les mêmes directions que les routes sur la carte. Ce montage propose un moyen de transformer l’expérience individuelle en expérience partagée.   

Images : Arthur Enguehard, Elsy Mandelbrot, Mélia Roger, Polina Shershenkov

Textes : Arthur Enguehard, Elsy Mandelbrot

Sons : Boris Shershenkov, particpant.e.s multiples

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