LYON

Balades sonores en duo #1 - Tournée PePaSon 22/23

Ce 11 juin 2022, Gilles Malatray (aka Desartsonnant) et Arthur Enguehard s’associent pour proposer en duo une déambulation audio-paysagère composite, croisant contemplation et expression au fil de l’expérience. Partis de la place Carnot (Lyon 2e – Gare Perrache) aux alentour de 10H, le groupe s’est rendu par étape jusqu’à la MJC Confluence avant de partager un repas convivial avec les volontaires. 

Marches-écoutes, pauses créatives, installations sonores et discussions collégiales se sont succédées pour donner naissance à un moment entre immersion sensible et réflexion critique sur le geste d’écoute dans une perspective pédagogique.

Récits et partages de pratiques à suivre… 

Arthur - Des papiers, des crayons et des oreilles

Pour cette marche, j’ai souhaité partager avec le public mon intérêt pour la synesthésie (la communication entre les sens) et la phénoménologie de l’écoute. Mes deux points d’orgue lors de la balade (L’expression synesthésique [ES] & la psycho-géographie [PG]) proposent de créer le récit d’une écoute subjective et le partager. Ce faisant ils engagent les participant-e-s dans un dialogue avec leurs perceptions et les manières dont ils-elles en tirent du sens. 

Dans cet article j’aimerais organiser mon récit de manière thématique en attirant votre attention sur deux aspects qui retiennent mon attention lorsque je créé mes ateliers, deux axes de travail important que l’on retrouve dans cette promenade écoutante : 

  1. Favoriser la rencontre de soi avec son expérience, ainsi qu’avec celle des autres 
  2. Exploiter le pouvoir de l’expression-création sous contrainte
1) Une rencontre avec l'expérience

Mes deux activités maîtresses lors de cette balade (ES et PG) étaient construites sur une même base. Un enjeu majeur était celui d’engager les participants dans la mise en récit d’une expérience d’écoute subjective suivi de son partage avec l’agora

A. Mise en récit de l'expérience

Dans le cas de l’expression synesthésique (ES) j’ai proposé aux participants de plonger dans un environnement sonore (le sous-sol de la gare Perrache sur les quais du Tramway car j’adore ces lieux très bruyants et spatialisés) et de représenter librement le son sur des supports papier distribués et avec des feutres. Ce faisant ils ont donné naissance à un paysage, plus ou moins unifié, et dans un langage propre, lui aussi parfois composite, qu’ils découvrent et explorent en direct. C’est un moyen de rencontre avec un soi spontané. 

Dans le cas de la psychogéographie (PG) j’ai proposé aux participants de replonger dans leur balade a posteriori et de sélectionner et représenter deux souvenirs sonores marquants. Ensuite ils ont représenté leur parcours avec des ficelles au prisme de leur expérience. 

B. Partage avec l'agora

“Très souvent c’est au moment d’en parler en groupe que les participants donnent du sens à leur démarche”  

Chaque expérience individuelle était ensuite partagée collectivement dans des cercles de parole que j’ai essayé de modérer de manière à garantir une expérience à la fois agréable et équitable.

Dans le cas de l’ES nous avons pris un moment à l’ombre. Chaque personne à pris 3 minutes pour présenter sa représentations, raconter son écoute, justifier ses choix, parler de ses difficultés et de ses fiers succès créatifs. 

Dans le cas de la PG nous avons procédé de la même manière autour de la table.

Ce moment est capital à mes yeux : Très souvent c’est au moment d’en parler que les participants donnent du sens à leur démarche ! C’est aussi un moment de co-inspiration qui permet de voir dans le récit des autres des formes auxquelles ont avait songé sans y parvenir ou s’y aventurer, des idées incongrues, des manières de percevoir et de comprendre différente…

C’est pour moi un véritable moment d’incarnation démocratique : Une rencontre des subjectivités qui créé du commun dans la différence en tirant tout le bénéfice d’une mise en dialogue des individualités. 

2) Le potentiel de l'expression sous contrainte

“Les cadres sont pour moi des conditions de révélation singulières (…)  dépasser les contraintes oblige à donner du sens à chaque geste et c’est dans cette réappropriation que se joue la subjectivisation de l’expérience”

Il me semble que les cadres dans lesquels s’inscrivent un moment d’expression sont tout à la fois des facilitateurs pour s’y engager et des conditions de révélation singulières. Ce que je veux dire par là c’est que selon le type de contrainte qu’on applique à une même démarche d’expression (ex : Représenter votre écoute du lieu) ce qui va en émerger (et ce qu’on va y apprendre) change totalement !  

Lors de l’ES j’ai donné le choix au participant entre 4 supports papiers différents, j’ai demandé de sélectionner 2 feutres de couleurs différentes, j’ai donné un temps maximal d’écoute (10min) et suggéré une démarche (écoute sans écriture pendant 3min, expression spontanée ensuite et sans jugement…). Les participants s’en sont alors accommodés comme on s’approprierait les règles d’un jeu de société. Les résultats sont au rendez-vous avec des démarches toutes différentes et instructives ! 🙂 

Lors de la PG c’est pareil. J’ai demandé de sélectionner 2 souvenirs seulement et j’ai imposé de représenter le trajet avec un bout de ficelle.

Je travaille beaucoup avec les papiers et crayons car ils engagent d’autres formes d’expression que l’interaction verbale. Disposer de plusieurs couleurs, de plusieurs textures, d’un espace potentiellement 3D de représentation (avec des objets en volume) sont autant de possibilités qu’on néglige si on ne pense qu’à la parole comme moyen de donner sens à l’écoute ! 

 

Photos : Créations et discussions lors de l’expérience d’expression synesthésique (ES) dans les sous-sol de la gare Perrache proche du tramway

 

 

Photos : Psychogéographie réalisée avec des ficelles et quelques papiers sur une table à la MJC Confluence basée sur le souvenir de la promenade (PG)

 

Deux autres points qui me sont chers lorsque j’imagine l’expérience sur sa durée, dans sa globalité sont :

  1. L’aménagement de conditions de convivialité et de sécurité favorables à la libre expression en groupe et la rencontre des sensibilités
  2. L’encapsulation de l’atelier dans un “moment” et son inscription dans une temporalité plus longue comme celle de la vie ou de la journée

Pour le premier point, je veille toujours à prendre le temps des présentations, j’amène quelques gâteaux (ici des chouquettes fraîches), j’adopte une attitude décontractée et spontanée. J’essaye de sentir les énergies en jeu pour pouvoir gérer le groupe et les présences en cas de besoin (mon passé d’animateur parle ^^). 

Pour le second je prends le temps du rituel d’entrée (les présentations, les discussions informelles, l’annonce du plan et le départ) et de sortie (le café, les distributions d’informations et de documents, l’invitation à poursuivre les discussions HORS du cadre de l’atelier). J’aime aussi proposer aux gens de penser aux sons de leur quotidien comme ici où j’ai demandé de se présenter avec le premier son de notre journée (Oleva, 2020) ! 

Gilles -

Bibliographie et approfondissements

Les articles de nos auteurs déjà sur le site web : 

Pour approfondir le travail de Arthur sur la synesthésie notamment : 

 

Pour découvrir le travail de Gilles Malatray (aka Desartsonnant) : 

 

Découvrez les supports de Arthur Enguehard ainsi que d’autres créations pour aménager des conditions d’écoute du paysage avec papier et crayons : 

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