Formation APAC - Paysage sonore et démarche créative pour l'éducation nationale

En duo et sur une journée, nous (Arthur Enguehard et Marie Popeck) avons proposé à 15 enseignant-e-s de l’éducation nationale (en formation continue) de s’approprier le paysage sonore dans le cadre de démarches créative et d’une éducation artistique et culturelle à l’atelier CANOPE de Lyon (Formation APAC) avec l’accompagnement et soutien de Alex Bonnel.

Dans cet article nous vous proposons de revenir sur les contenus mais aussi les pédagogies de cette formation sous la forme de nos deux témoignages mis dans l’ordre chronologique : (Matin) Arthur Enguehard // (Après-Midi) Marie Popeck

Arthur : "Paysage sonore et projet créatif"

Réflexion sur ma démarche pédagogique

Dans mes formations je cherche à développer l’autonomie créative et à encourager un passage à l’action « critique » (i.e. conscient et responsable) des stagiaires. Cela m’oblige à permettre et favoriser une réappropriation personnelle de mes propositions et à procéder par l’engagement physique de chacun et chacune dans les démarches.

Ce faisant j’essaye de créer une dynamique oscillante entre individualité et collectif / expérience sensible et projection intellectuelle / inspiration et création… Le tout me permet de toujours mettre en regard des gestes avec leurs sens (sociaux, personnels) et l’écologie de leur réalisation.

J’essaye aussi de construire des « moments » d’apprentissage (i.e. des expériences au sens de John Dewey dans L’art comme expérience) qui sauront rester gravés comme des souvenirs et ainsi éclairer, inspirer le futur présent des stagiaires. Cela passe par l’aménagement de conditions pleinement humaines et conviviales (petit déjeuner offert, pauses informelles sympathiques…) un fort investissement émotionnel (enthousiasme de ma part, partage des expériences de chacun et chacune, expériences sensibles et émotionnelles autant qu’intellectuelles…) et la coconstruction active de l’apprentissage avec les stagiaires (je ne donne que les cadres de l’exercice mais les gestes sont personnels).

Déroulé de la formation du matin : Paysage sonore et démarche de projet créatif

J’ai pris en charge une partie matinale de 3H dédiée au concept de paysage sonore et à sa réappropriation éducative dans le cadre d’une éducation artistique et culturelle ainsi que d’une pédagogie de projet.

J’ai décidé d’axer sur une exploration des possibles et la multiplication de petites expériences pour stimuler l’envie et l’imagination.

J’ai découpé mon intervention en 3 parties :

  • Une introduction théorique au paysage sonore et aux démarches / pratiques associées
  • La découverte in situ de l’écoute par l’expérimentation de 2 démarches : le point d’ouïe et la balade sonore.
  • Une partie d’écoutes (exercices, créations, enregistrements) mises en regard par l’expérimentation avec des projets qu’elles ont inspirés
1) Paysage sonore : Théorie et panorama de pratiques

Après un accueil chaleureux nous avons procédé à l’affichage au mur sur post-it et à l’énonciation à haute voix de nos définitions personnelles de « paysage sonore ». J’utilise ce procédé comme moyen d’appel et de socialisation des représentations favorisant une immersion collective et dialogique dans l’apprentissage.

Je commence normalement ensuite (mais j’ai oublié cette fois) par une écoute de paysage sonore forestier afin de créer une référence sensible, un point de repère, qui sera appelée tout au long de la journée.

Ici exemple de paysage sonore de forêt canadienne – Crédit : Thibaut Quinchon (Dissociation)

Je passe ensuite sur un court exposé sur tableau Velléda (favorise l’interactivité et la synthèse) ponctué de questions et exemples, replaçant l’idée de paysage sonore dans un contexte historique. Je me concentre sur l’idée de transformation du paysage sonore de Raymond Murray Schafer (1977) avec la révolution industrielle qui serait passé d’un état « HiFi » (High Fidelity) à « LowFi » tout en changeant de textures, timbres, rythmicités…

J’expose ensuite un panorama de pratiques liées au paysage sonore sous forme de galerie de photos (cf. Diaporama ci-dessus). Ses objectifs ? Créer des références sensibles et des représentations pour cet univers méconnu tout en favorisant l’exploration imaginative.

2) Expérimentation de postures d’écoute :

Je propose ensuite à chacun et chacune de choisir un à sa convenance un ou plusieurs supports d’écoute (Exemples ci-dessous : 1, 2, 3…) comme dans d’autres ateliers passés. Nous sortons après quelques consignes générales et conseils.

Nous commençons par un point d’ouïe dans la cour et suivons le protocole suivant :

  • Nous attendons en silence, en groupe, quelques secondes
  • Nous nous éparpillons et choisissons chacun et chacune un point d’écoute à soi dans l’espace
  • Nous prenons 10min d’écoute et essayons d’utiliser le support pour proposer une représentation de l’écoute

Sans un mot nous passons dehors, laissons papiers et crayons, et expérimentons une marche d’écoute de 100m. Suivant la cadence d’une lenteur forcée, à contre rythme du monde, nous expérimentons un état contemplatif de soi, des autres, du monde, parfois riche en émotions et/ou déstabilisant.

Nous remontons et je propose un moment de mise en commun de nos écoutes, de leurs représentations sur les supports et de critique à la fois des expériences, des supports et des exercices. Cela nous permet de s’approprier notre propre écoute, celle(s) des autres ainsi que de trouver des échos, des différences, des inspirations…

Quelques exemples de supports d’écoute numérisés après une autre formation similaire (Lyon – 2021)

3) Ecoutes, sons et projets éducatifs :

Après une pause conviviale (un moment de relaxation au vif intérêt pédagogique je pense) nous passons aux démarches de projet. Je propose 3 axes / types / matières activées :

  • L’écoute de l’inframince et des « sons qui nous envahissent » sur la base du travail de Caroline Boë (Anthropophony) – Projet de collecte et cartographie de la pollution sonore de faible intensité – Exercice de déambulation et exploration des sons techno-phoniques de la salle
  • L’écoute d’un enregistrement de paysage sonore d’une élève dans le cadre du projet « Ma ville de demain» que j’ai réalisé en 2020 et l’expérimentation d’une méthode de représentation / visualisation de son écoute avec le support / jeu « Mon Paysage Sonore »
  • L’écoute d’une création originale « Transition » de Mélia Roger créé en 2021 et un exercice d’écriture inventive.

 

Par le biais de chacun de ces moments je propose d’incarner une démarche créative et de la relier après expérience à un projet qui s’est basé dessus. Je tisse entre approche ludique, esthétique, artistique et scientifique tout en exposant des outils et des techniques.

Marie-Lys : "L’écoute, comme un moteur de notre attention au monde"

Page de l’artiste : Marie popeck (Instagram)

Lors de cette intervention, il s’agissait d’aborder le paysage sonore par le biais d’un environnement de travail numérique auprès d’enseignant.e.s en collège et en lycée. Il m’importait alors de transmettre un contenu théorique et pratique axé sur la sollicitation de l’écoute et sur l’enregistrement de terrain, ainsi que d’apporter un savoir technique et un regard artistique sur la construction d’une pièce sonore. Cela constituerait une base solide sur laquelle les participant.e.s pourraient s’appuyer afin d’expérimenter la prise de son et la composition avec leurs élèves, à partir d’outils accessibles tels que le ZoomH2N et le logiciel libre Audacity. Ce qu’il m’importait également était de faciliter la compréhension de la notion de paysage sonore au travers d’une pédagogie de l’attention, ré-appropriable.

In fine, le but de cette transmission était de donner des clés aux apprenant.e.s afin qu’iels puissent établir eux-mêmes leurs protocoles de travail à destination des élèves et qu’iels puissent aussi s’autoriser à mener des projets sonores sans l’appréhension du côté technique.

Tout débute avec l’écoute et pour cela, l’outil le plus essentiel reste l’oreille.

1) Plan de formation
Le module de l’après-midi se décomposait en trois temps :
 
  1. Découverte et prise en main de l’enregistreur Zoom H2
  2. Initiation à l’enregistrement de terrain
  3. Découverte de l’interface Audacity et manipulations audios
 

 Chacun de ses axes demeuraient équilibrés dans l’apport théorique et pratique et s’affirmaient autour d’un esprit collaboratif. Les participant.es bénéficiaient d’un vidéo-projecteur et se trouvaient dotés d’un couple enregistreur/casque d’écoute au maximum pour deux personnes, iels étaient également invité.e.s à apporter leurs ordinateurs.

extrait des slides utilisées pour la formation —>

Afin d’introduire cet ensemble nous débutions la séance par l’écoute de « Entrance To The Harbor » de Murray Schafer, qui nous permettait de revenir sur la notion de paysage sonore entreprise le matin avec Arthur et d’ouvrir un dialogue sur les éléments constituant la pièce, dans une perspective de création, de perception de l’espace et de prises de sons.

Cette première étape posait déjà quelques questions fondamentales relatives à la manière dont on aborde un lieu que l’on souhaite capter avec un microphone : plans/ position du corps/ caractères des sons/ reliefs/ événements ponctuels ou permanents/ relation aux vivants occupant ce territoire et à l’acoustique propre d’un lieu.

2) Introduction technique au ZOOM H2n

La première phase proposait d’étudier l’enregistreur Zoom H2N avec une approche technique optimisée pour une manipulation auprès d’enfants : explication des divers modes de captations, des paramètres, de l’orientation des capsules, etc. – Lien fiche technique 

Nous prenions alors un temps pour réaliser de courts tests avec la voix des participant.e.s. Cette phase incluait aussi une synthèse de la manière dont on prépare son matériel en amont de l’enregistrement et pouvait répondre à ces questions :  quel matériel et pour quelle fonction ? quels paramètres ? quel lieu ? établir un rapport son ?

Grâce à ces préliminaires, les personnes présente jouissaient d’une compréhension effective des principaux points techniques et se trouvaient prêts à les mettre en actions.

3) Enregistrement de terrain

La phase suivante s’articulait autour de la pratique d’enregistrement de terrain, en milieu naturel ou urbain. Cette partie s’ouvrait avec l’écoute de prises de sons réalisées par Hildegard Westerkamp aux caractères très différents afin de présenter une diversité de matériaux sonores et susciter la curiosité à l’environnement sonore (disponibles sur le site de l’artiste). Nous évoquions de même la place de l’écoute initiale du lieu, les motifs pré-existant éventuels, la posture de l’attente et la recherche ou la provocation de sons « cachés » pouvant y demeurer.

Le groupe disposait ensuite d’un moment d’exploration autour du lieu de formation afin d’effectuer un premier collectage et de mettre en application les choses étudiés précédemment. 

4) Manipulation des audios et montage

La dernière phase d’apprentissage s’axait quand à elle autour de l’écriture et du traitement des sons avec le logiciel Audacity. Elle se voyait ponctuée par des écoutes en lien avec le sujet, comme la création sonore suivante, fruit d’un atelier réalisé auprès d’adolescents au coeur du quartier Beauséjour de Noyon :

Beauséjour sous les ondes  

 Nous poursuivions avec un temps d’échange relatifs à leur premières captations et suggérions des formes de récit à partir de ceux-ci puis basculions vers l’ordinateur et y organisions les audios. Après avoir repéré le fonctionnement du logiciel, nous commencions le traitement d’un échantillon audio à travers des exemples de base de montage et de mixage.

Cette partie aurait nécessité une heure supplémentaire pour éviter la surcharge d’informations et laisser plus de temps de travail collectif.

5) Conclusion

En guise de conclusion ouverte, j’amenais le groupe à rencontrer d’autres formes artistiques questionnant le paysage sonore autour d’œuvres non-numériques (tels que les Kaléidophones de la Cie Décor Sonore). Nous terminions enfin la séance par l’écoute des premières minutes de « Snowforms » de Murray Schafer et une liste de liens d’écoutes qu’il reste alors à saisir.

Bibliographie

Technique :

Bibliographie

 

 

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